Est-ce normal ou pas, en tout cas, c’est fréquent.
La culpabilité nait de la transgression d’une loi, qu’elle soit d’ordre sociale, morale, religieuse, familiale, ou personnelle.
Elle agit comme un signal, qui avertit la personne sur son comportement quand celui-ci est en contradiction avec ses propres codes de valeurs.
La culpabilité ressentie après une interruption de grossesse révèle la valeur portée à la vie dans le regret de ne pas avoir pu accueillir le projet d’enfant.
Elle peut être aussi liée au remord de s’être laissée influencée, au sentiment de ne pas avoir été soi-même, ou de vouloir toujours être à la hauteur de ce qui arrive.
Quelle qu’elle soit, la culpabilité peut être dépassée avec le temps et une juste connaissance de soi. Aussi, il est important d’être accompagné pour que l’acte posé dans un contexte particulier, permette à la personne de passer de la culpabilité à la responsabilité de l’acte.
La personne peut également rencontrer un prêtre pour recevoir le sacrement du pardon, la libérant petit à petit de ce qui la paralyse.
Si toutes les femmes n’expriment pas de mal être ou de souffrance, un certain nombre d’entre elles ont besoin de se confier ou gardent enfouies une ou plusieurs IVG comme un lourd secret. Parfois à leur insu et pendant des années.
La survenue d’une grossesse attendue ou imprévue touche à l’intime, à la relation amoureuse, à la féminité, au sentiment maternel, à la transmission de la vi, : l’IVG peut se graver durablement dans l’inconscient, même si la femme l’a décidée de son propre chef. Sophie Marinopoulos, psychanalyste, dans un colloque consacré à l’IVG le 7 mars 2011 plaide pour une prise en compte de la douleur psychique en indiquant que l’inconscient est là malgré les tentatives d’évitement et de déni de la souffrance : si les émotions ont été retenues, il y a un jour où cela revient.
Certaines femmes exprimeront leur souffrance très vite, spécialement quand elles ont ressenti des pressions extérieures et avorté à contrecœur : la grossesse a été l’enjeu de conflits avec l’entourage, avec les parents pour les plus jeunes, au sein du couple ou encore d’un questionnement existentiel dû à une situation de précarité affective ou matérielle.
D’autres femmes expriment un soulagement après un temps de questionnement, en se disant que c’était la meilleure solution.
La pensée de l’IVG peut resurgir douloureusement à l’occasion d’un évènement de la vie, d’une parole, de la vue d’une femme enceinte ou encore à l’occasion de la date anniversaire de l’IVG, très inconsciemment.
La nature de la souffrance exprimée est variable suivant le contexte dans lequel a été vécu l’avortement et selon chaque femme qui le vit avec sa propre histoire et sa psychologie.
Les femmes expriment souvent un sentiment de solitude, d’abandon, accompagné dans bien des cas de celui d’un échec amoureux. Elles peuvent être atteintes dans l’estime d’elles-mêmes. Cela peut être à l’origine d’états de dépression plus ou moins longs.
Concernant celui ou celle qui n’est pas né, les expressions peuvent être d’inégales intensités : le manque, le sentiment de culpabilité pour avoir tué un être, le sentiment de ne pouvoir être une bonne mère, le regret de ne pas avoir su « le » protéger. Un certain nombre de femmes, même sans conviction religieuse, évoquent l’impact spirituel de cet acte qui touche profondément au sens de la vie, voire à la relation à l’au-delà.
Tous ces sentiments ont besoin de pouvoir se dire afin de ne pas s’y enfermer. Que ce soit la tristesse, le regret, la culpabilité, la honte, la jalousie, l’abattement, le désir de vengeance, la colère vis-à-vis du compagnon, du conjoint, de l’entourage, … ces émotions si pénibles pour celles qui les vivent sont aussi, en positif, des révélateurs des lieux qui ont été touchés et qui ont besoin d’être restaurés.
Un accompagnement personnel peut aider à les exprimer, à les mettre à distance, à mettre des mots sur ce qui est ressenti confusément, à s’ôter ce poids, à s’autoriser à vivre après une ou plusieurs IVG qui ont pu blesser plus ou moins profondément.