Comme le dit Cyrano de Bergerac (d’ E Rostand.) : « Le baiser est un secret qui prend la bouche pour oreille » A quoi bon ce geste si l’on n’a rien à dire ? Ou si peu… Par ce geste tu donnes ton souffle et tu reçois celui de l’autre, vos deux intimités s’unissent au-delà des mots par un geste qui est un langage de don, et pas n’importe lequel puisque le souffle, c’est la vie ! Et est-ce que la langue n’est pas justement un instrument du langage ?

 

 Ce geste du baiser s’accompagne d’un plaisir, et le pas est vite franchi pour certains d’utiliser le corps de l’autre et le sien pour se donner simplement du plaisir, sans intention de donner plus. S’embrasser ou flirter voudrait dire alors seulement : tu me plais ?

 

Karine que je rencontrais en classe de seconde me dit : « avec mon petit copain ça a été tout de suite une évidence, on s’est embrassé le premier soir. Mais je ne comprends pas, depuis, on se retrouve après les cours dans un café, mais on ne parle pas, on dirait qu’on n’ a rien à se dire… » Karine découvrait que ce geste, elle l’avait sans doute posé trop tôt, elle l’avait donné à un « inconnu ». Les corps avaient parlé, mais les cœurs restaient en rade. Elle voulut rompre très vite ce début de relation qui n’en était pas vraiment une, mais les baisers avaient créé un attachement qui la maintenait dans l’illusion d’une vraie relation et elle espérait. Mais elle comprit rapidement que l’attirance réciproque qu’elle avait ressentie était éphémère et que déjà elle s’ennuyait, le garçon de son côté se détourna vite d’elle. Elle regretta d’avoir gaspillé ce geste trop tôt… 

 

Un tableau de Magritte, « le baiser » illustre assez bien cette illusion de relation entre deux êtres qui ne se sont pas dévoilés l’un à l’autre dans une vraie connaissance et ne peuvent envisager de promesse… 

 

A l’adolescence il peut y avoir aussi des confusions entre filles et garçons. Il n’est pas rare que des jeunes filles acceptent un baiser pour entendre le garçon leur dire « je t’aime », alors que certains garçons souvent diront assez facilement « je t’aime » pour obtenir un baiser. Les attentes diffèrent. Une fille recherchera plus la sécurité d’une protection dans le sentiment, et le garçon l’expression physique d’une attraction et d’une pulsion du corps souvent plus forte. Le baiser donnera l’illusion de renforcer le sentiment chez l’une, et pourra entraîner chez l’autre une réaction plus impétueuse encore du corps (parfois une érection pas toujours facile à contrôler, que la fille ne suppose même pas) et qui peut conduire le garçon parfois à désirer plus… 

 

Oui, le baiser a un sens, il est échange du secret des intimités qui se donnent, et en ce sens là, il exprime déjà un engagement entre deux personnes. Quand les corps parlent, c’est la personne tout entière qui se dit : « ça vaut la peine d’attendre ».

 

 

Le baiser n’est pas un acte anodin car il est la première manière de signifier à l’autre qu’on est attiré par lui. On peut progresser dans la manière dont on embrasse sur les lèvres. C’est un acte posé timidement et maladroitement au début puis il devient par la suite la manière privilégiée et exclusive d’embrasser celui/celle que l’on aime. En cela, il est un dialogue intime et beau avec l’autre. C’est un acte tendre et qui a une portée poétique car il est le prolongement de la parole échangée. Le même souffle est partagé et les langues qui nous ont servi à nous connaître se rejoignent.

 

Pour prendre du recul, notre corps est ce qui nous dit, ce qui nous révèle à l’autre. Une caresse, un baiser, s’il n’obéit pas au désir profond de notre cœur, nous blessera et blessera l’autre.

 Un baiser ne nous engage pas bien sûr au même titre que le don entier de soi-même par un acte sexuel mais il reste un don qui ne peut pas être repris. Il ne faut pas minimiser la portée de cet acte qui vous lie à l’autre. Il ne faut pas non plus lui donner un caractère sacré.